La Traviata selon Henry-Jean Servat : l'opéra de Verdi à ciel ouvert dans la Cité
- Mélanie VIVIES
- 3 juil.
- 6 min de lecture
par Mélanie VIVIES
Ce dimanche 6 juillet, dans le cadre du festival de Carcassonne, nous avons échangé avec Henry-Jean Servat, metteur en scène de la Traviata, sur cet opéra de Verdi créé sur mesure pour l’occasion ...

Vous êtes journaliste, mais également connu pour votre passion de la culture et du spectacle. Vous avez mis en scène la Traviata de Verdi, qui sera jouée au prestigieux Théâtre Jean Deschamps lors du Festival de Carcassonne. Comment est-ce que cette aventure lyrique de la Traviata a commencé ?
J’avais déjà mis en scène la Traviata il y a une quinzaine d'années à peu près, pour des opéras en plein air. Les opéras en plein air à l'époque, c'était une organisation qui présentait des opéras dans des jardins ou devant les plus beaux châteaux de France. Et l'idée, il y a quelques années, c'était de confier la mise en scène d’un opéra à une vedette ou une pseudo-vedette dans l'actualité. Ils avaient demandé à Nicole Garcia, Francis Huster, Claude Lelouch, et beaucoup d’autres. Puis un beau jour, on me l'a proposé : j’avais le choix de l’opéra, alors j’ai choisi la Traviata. A l’époque, je travaillais pour Paris Match et Télé Matin sur France 2, et je faisais beaucoup de papiers et d’interviews sur des chanteurs d’opéra à travers le monde, par exemple au Festival de Salzbourg, à Los Angeles, à Séville, Madrid et ailleurs. J’étais donc dans un contexte où mon métier de journaliste ne me permettait pas de me dédier à la mise en scène à 100% : pour mettre en scène un opéra à Genève, ou un opéra à Toulouse, il fallait aller y habiter, y résider pendant 3-4 mois. J’aimais tellement faire du journalisme, voyager dans le monde entier, interviewer des stars ou des célébrités, je n'avais pas voulu renoncer à ce que je faisais pour l’opéra. Mais c’est quelque chose qui m’est resté en tête. Il y a six mois à peu près, on m'a demandé de mettre en scène Tosca, mais cela n’a pas pu se faire, j’ai alors proposé de mettre en scène Mireille mais finalement c’est La Traviata qui m’a été confiée. J’ai hésité, car on me l’avait déjà confiée, mais j’ai accepté, en proposant une mise en scène nouvelle. Ce n'est pas moi qui ai choisi de faire la Traviata, j'ai choisi de faire un opéra, mais c'est le festival de Carcassonne qui m'a proposé la Traviata et je l’ai acceptée.
Est-ce que ça n'a pas été difficile de se détacher de la version que vous aviez déjà faite il y a 15 ans auparavant ?
En réalité, je n’ai pas travaillé avec les mêmes personnes. Il y a 15 ans, j'avais choisi mes collaborateurs, j'avais tout choisi. Et là, j'ai tenté de faire abstraction du lieu et des créateurs que j'avais eu avant. Je considère que 15 ans après, je ne peux pas faire la même chose. Je n'ai aucune personne qui travaillait avec moi il y a 15 ans, donc je travaille avec des personnes qui ont des regards neufs, ce ne sera pas la même chose.
En tant que metteur en scène, est-ce que vous avez la main, et peut-être même l'envie, de proposer une lecture plus moderne de la Traviata que l'on connaît ?
Je considère que la Traviata est un des plus beaux opéras du monde : c'est une musique absolument sublime de Verdi qui raconte l'histoire d'une rédemption, l'histoire d'une courtisane qui tombe amoureuse et qui choisit de renoncer à l’amour pour ne pas choquer la famille de son amoureux. D'ailleurs, selon moi, on ne tombe pas amoureux, car l’amour fait grandir, il ne fait pas tomber dans la déchéance : il rend beau. La Traviata est un opéra qui avait été créé en 1853 et qui avait fait scandale à l'époque parce qu'on montrait une femme de l'époque en question, qui se comportait comme une « poule de luxe ». Pour éviter le scandale, ils avaient mis les premières représentations en costume Louis XIII, pour bien montrer que ce n'était pas une histoire du temps présent. J'ai un grand respect pour la culture passée. Je trouve que Verdi a raconté une histoire qui est sublime et la musique est sublime. Je ne vois pas pourquoi je vais, moi, aujourd'hui, m'amuser à tout chambouler. Ce n'est pas du tout une mise en scène « woke », je tiens compte de la culture, et de l'histoire passée.
Quel parti pris scénique avez-vous fait par rapport au décor, les costumes et la mise en lumière ?
Concernant les lumières, nous n’aurons pas beaucoup de temps puisque la scène est occupée tous les soirs dans le cadre du festival. Comme je disais, je veux que le parti pris soit le respect de l’œuvre. Pour les costumes, ce sera en costume avec crinolines dans le style un peu désuet de l'opéra tel qu'on l'imagine. J'ai également rajouté des danseurs dont Guillaume Bordier qui était danseur chez Roland Petit et chez Maurice Béjart. Le théâtre Jean Deschamps a une capacité de 3000 places, c’est un théâtre moyenâgeux, avec des remparts et des pierres. Ce n’est pas évident, mais il faut occuper cet espace.
Justement, ce cadre si particulier, en plein air, au cœur de la cité, est exceptionnel. Est-ce que cela ajoute une dimension particulière à l'émotion que peut procurer l’opéra ?
J'espère qu'il va y avoir une dimension particulière. D'abord, c'est de voir ça en direct, d’être dans ce décor sublime. Et puis, je trouve qu'en plus, la Traviata est un opéra extrêmement émouvant, c'est un opéra attendrissant, un opéra qui vous fait aimer, qui vous apprend la compassion et la pitié à l'égard des gens amoureux, l'admiration des amoureux, le respect dû aux hommes, aux êtres vivants, le respect dû aux femmes. Je trouve que c'est un opéra qui fonctionne beaucoup sur la corde sensible, sur les sentiments humains. Ce soir-là, il y aura 3000 cœurs qui vont battre à l'unisson parmi les spectateurs.
La Traviata sera présentée pour le festival de Carcassonne, qui a un programme très éclectique. On retrouve par exemple Julien Doré, Soprano, Laurent Voulzy, Gims… il y a beaucoup de monde qui s'y rend. Est-ce que pour vous, cela permet de rendre l'opéra accessible à un public plus large ?
Oui, bien sûr. Le Festival de Carcassonne est très éclectique et je suis heureux et honoré qu'on m'ait invité à faire cette mise en scène. Il faut bien comprendre que l'opéra n'est pas un art élitiste. Quand les opéras étaient créés sous Mozart, par des seigneurs, dans les salles d’opéra rondes des châteaux, on invitait non seulement le seigneur et les nobles, mais aussi les serviteurs et les paysans des environs. Les gens imaginent que l'opéra a été annexé par une espèce de snobisme ou par des gens fortunés. Mais l'opéra, c'est l'art le plus simple, avec des émotions simples. Et les émotions qu'on a, on les chante. Il n'y a rien de plus beau qu'une voix. Les opéras de Mozart ont été créés devant et pour des publics simples. Il n'y a pas besoin d'être éduqué, sophistiqué c'est la chose la plus simple qui existe, ce sont des émotions à l’état brut et si c'est représenté avec pureté, avec classe, avec chic, on vibre. J’espère que le théâtre Jean Deschamps va vibrer, que les 3000 spectateurs vont vibrer quand les chanteurs vont se faire entendre, que les gens auront des larmes dans les yeux et auront des frissons.
Est-ce que vous auriez un dernier mot pour inviter justement le public à venir découvrir cette Traviata, la vôtre, à Carcassonne, ce dimanche 6 juillet ?
Je pense que ce qu’ils vont voir dans un décor qui n'a pas été créé pour accueillir des opéras, c'est la réunion de tous les arts : ils vont voir et écouter des chanteurs : Erminie Blondel qui va chanter Violetta, Kevin Amiel qui va chanter Germont et Laurent Arcaro qui va chanter l'un des plus beaux airs de l'opéra pour les baritons. Si vous ne connaissez pas la Traviata, venez la découvrir ; si vous la connaissez, venez redécouvrir une Traviata pure, chic, élégante qui rend hommage à Verdi.
« Souffrant de la tuberculose, Violetta, la courtisane, cherche à fuir sa vie de luxure parisienne, poussée par son amour pour Alfredo Germont, un jeune homme issu d’une famille aristocratique. Afin de préserver l’honneur de sa famille, elle choisit de renoncer à leur amour. Cette œuvre, véritable hymne à l’amour et au sacrifice, est ponctuée de magnifiques airs qui alternent entre moments héroïques, passionnés et profondément émouvants. »
Mise en scène : Henry-Jean SERVAT Direction Musicale : Claude CUGUILLERE du Capitole de Toulouse
Distribution :
· VIOLETTA : Erminie BLONDEL
· FLORA : Céline LABORIE
· ANNINA : Sonia MENEN
· ALFREDO GERMONT : Kévin AMIEL
· GIORGIO GERMONT : Laurent ARCARO
· GASTONE : Carlos NATALE
· BARON DOUPHOL : Jivong SONG
· MARQUIS D’OBIGNY : Guilhem SOUYRI
· DOCTEUR GRENVIL : Olivier DEJEAN
· GIUSEPPE : Vincent ALARY
Infos et billetterie : https://www.festivaldecarcassonne.fr/manifestations/la-traviata
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